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Cancer : "Les enfants ne sont pas des cobayes !"
Le Dr Nicole Delépine, dont les méthodes sont controversées, dénonce la mainmise des labos sur les protocoles de chimio prodigués aux enfants. Entretien.
Fille de l'un des fondateurs de la Sécurité sociale, Nicole Delépine n'a pas sa langue dans sa poche.
À la tête d'une unité de soins d'oncologie pédiatrique (traitement des enfants atteints de cancer) à Garches, elle défend depuis trente ans une approche individualisée de ses jeunes patients.
Aux essais thérapeutiques, auxquels elle s'oppose farouchement,
elle préfère des traitements plus anciens mais qui ont fait
leurs preuves en offrant, d'après elle, plus de 80 % de résultats positifs.
Basée sur les méthodes du cancérologue américain Gerald Rosen,
sa thérapie s'appuie essentiellement sur une molécule, le méthotrexate, injectée à des doses individualisées et plus importantes qu'ailleurs.
Son unité de soins pourrait disparaître, ce que refusent bon nombre de ses patients. Autour de l'association Ametist, qui a déposé une plainte fin avril pour "délaissement" devant le tribunal de grande instance de Nanterre,
la mobilisation s'organise : une pétition circule,
une manifestation est prévue le 20 mai devant le ministère de la Santé et des personnalités comme Laurent Baffie, Pascal Olmeta, Astrid Veillon et Nikos Aliagas soutiennent le mouvement. Avec son franc-parler, le Dr Delépine est un personnage haut en couleur.
Alors que certains l'accusent d'être un gourou et de manipuler les parents, d'autres avancent que ses méthodes seraient obscures ou risquées.
Plus sérieusement, on lui reproche surtout de ne pas respecter suffisamment les "recommandations de bonnes pratiques"
des institutions hospitalières et de faire cavalier seul.
Alors que son unité d'oncologie pédiatrique devrait fermer à la suite de son départ à la retraite, le Dr Delépine dénonce la mainmise du pouvoir médico-pharmaceutique sur les protocoles de chimio prodigués aux enfants.
Paranoïa d'une militante trop engagée ou véritable omerta ?
Nicole Delépine livre au Point.fr sa vision de l'affaire.
Le Point.fr : En quoi l'unité de soins d'oncologie pédiatrique que vous dirigez à Garches est-elle unique ?
Dr Delépine :
Je soigne des enfants atteints de cancer depuis plus de trente ans et l'unité de Garches existe depuis 2004 à la suite d'un accord entre le ministère de la Santé et l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris).
L'objectif affirmé de cette unité est d'offrir aux patients un choix thérapeutique et des soins personnalisés, contrairement à la standardisation des traitements proposée ailleurs en France.
Les nombreux témoignages de patients attestent le succès de cette démarche, tout comme les résultats thérapeutiques publiés dans de nombreuses revues scientifiques internationales.
Vous dites que votre unité de soins gêne les laboratoires pharmaceutiques et que c'est pour cette raison que l'on a décidé de sa fermeture...
D'abord, je précise qu'à ce jour je n'ai eu aucune communication officielle sur cette présumée fermeture.
Tout au plus, j'ai appris que les infirmières du service viennent d'être réunies afin de les rassurer sur leur avenir.
Le tout, nuancé de menaces dignes d'un État totalitaire :
"Si vous répondez aux journalistes, votre carrière sera foutue",
leur a-t-on fait comprendre en substance
(y compris si elles s'épanchent sur les réseaux sociaux).
Quant aux raisons officiellement avancées sur cette fermeture,
elles ne tiennent pas la route : d'un côté,
je suis mise en retraite forcée, de l'autre,
on argue qu'on n'a trouvé aucun remplaçant !
Pourtant, j'ai dans mon service trois personnes qui travaillent avec moi depuis trente ans, tout à fait compétentes pour prendre la suite,
et tous les candidats que je propose sont refusés !
En fait, oui, je pense surtout que mon approche dérange le pouvoir médical lié à Big Pharma (le lobby pharmaceutique, NDLR).
Vous dénoncez aussi le business du cancer au détriment de la santé des enfants.
N'est-ce pas exagéré ?
Absolument pas.
Dans le traitement des cancers des os de l'enfant, par exemple, une maladie pour laquelle notre unité s'est spécialisée, je n'ai constaté aucun progrès thérapeutique réel depuis trente ans.
Dans les années 1980, un schéma de traitement tout à fait efficace a été mis en place aux États-Unis (par le Dr Rosen, NDLR), permettant de guérir 80 à 90 % des malades tout en évitant leur amputation.
Pourtant, aujourd'hui, ce n'est pas celui qui prévaut et les amputations d'enfants ont augmenté, tandis que leurs guérisons sont devenues plus rares qu'il y a 20 ans. Pourquoi ?
Ces traitements ont été remplacés par de nouveaux protocoles aux "molécules innovantes".
Traduisez : de nouveaux traitements sous forme d'essais thérapeutiques sur lesquels on n'a pas de recul et que l'on choisit de tester sur les enfants. Innovants peut-être ; efficaces, on ne sait pas.
Pour améliorer les traitements du cancer, on espère beaucoup des nouveaux traitements, et il paraît normal d'offrir au patient les dernières molécules découvertes...
Je ne suis pas contre les essais thérapeutiques
- il m'arrive dans certains cas d'y avoir recours en concertation avec les patients -, mais l'idée que "parce que c'est nouveau, c'est mieux" est fausse et dangereuse.
En tant que médecins, nous devons avoir un minimum de recul sur les traitements que l'on propose et soigner selon "les données acquises de la science", c'est une obligation légale.
Cela signifie des traitements éprouvés et validés, ce qui n'est pas le cas des "protocoles d'essais thérapeutiques" dont les résultats ne seront par définition pas connus avant dix ans.
Ce que nous défendons,
c'est le libre choix du patient et du thérapeute et le consentement véritablement éclairé, c'est-à-dire l'information sur le protocole d'essai proposé et les autres traitements connus sur la maladie de l'enfant.
Ce que nous dénonçons, c'est l'abus de pouvoir médical qui impose l'essai en menaçant du juge des enfants en cas de refus.
Tout de même, vous y allez un peu fort quand vous dites qu'à l'hôpital nous et nos enfants sommes devenus des cobayes au service de la "recherche" pharmaceutique ?
C'est malheureusement ce que je constate en cancérologie, qui est devenue un vrai business. Cela a commencé dans les années 1990 avec les enfants et dans les années 2000 avec les adultes.
Avant, on était soignés par des protocoles validés.
Les essais existaient, bien sûr, mais ils n'étaient pas proposés en première intention.
C'était une proposition faite en dernier recours ou en fin de vie.
Aujourd'hui, je suis inquiète, je vois de plus en plus d'enfants arriver dans mon service, à qui l'on a fait subir des essais thérapeutiques très tôt en premier recours, alors que d'autres traitements existaient et leur garantissaient des chances de survie importantes.
Et souvent, le même schéma se répète : on essaie une première chimiothérapie, un essai de fait, qui ne fonctionne pas bien, on passe alors à une autre
(un autre essai en fait), qui n'aboutit pas non plus, et alors on décrète une résistance aux chimiothérapies et l'enfant est placé en soins palliatifs, autant dire le couloir de la mort.
Comment ces essais fonctionnent-ils à l'hôpital ?
Quand un médicament sort du laboratoire, il passe ensuite par trois phases, avant une autorisation de mise sur le marché.
Durant la dernière, on compare deux groupes tirés au sort qui recevront un protocole différent (un ancien protocole et le nouveau qui est testé).
Quand on parle de "protocole randomisé", ce n'est ni plus ni moins un essai de phase 3 avec tirage au sort.
Autrement dit, votre traitement résulte d'un tirage au sort, et non d'un examen personnalisé !
Aujourd'hui, on utilise d'autres mots moins inquiétants pour les patients : "On va vous mettre dans le protocole X", mais dans les faits, ces traitements sont avant tout calibrés pour les statisticiens qui traitent les données de résultats.
Il y a une volonté affichée dans le plan cancer de faire entrer le plus de patients possible dans les essais, au nom de la recherche.
Dans les faits, cela signifie un traitement uniforme administré à l'essai à un grand nombre de personnes en France durant plusieurs années et un nivellement par le bas de l'approche thérapeutique.
Entre 2008 et 2012, on est passés de 1 134 essais thérapeutiques chez l'enfant à plus de 2 120, et chaque enfant subit en moyenne 1,25 essai (rapport Vernant 2013).
Ce pourcentage doit encore augmenter.
Il y a environ 1 700 enfants de moins de 15 ans atteints de cancer par an.
Croyez-vous vraiment que ce soit au seul "bénéfice" des patients ?
D'après vous, ces nouvelles pratiques d'essais généralisés coûtent de surcroît cher à la Sécurité sociale. Pourquoi ?
C'est un coup de maître de l'industrie pharmaceutique qui a réussi à faire payer sa recherche au contribuable en sus des malades transformés en cobayes.
Depuis le plan cancer de 2003, ces médicaments dits innovants sont remboursés à 100 % avant même leur autorisation de mise sur le marché.
Cela coûte deux milliards d'euros par an à la Sécurité sociale.
Au passage, tout le monde est gratifié par ces "bonnes" pratiques :
le médecin est un bon chercheur qui utilise des traitements de pointe qui coûtent dix fois plus cher que les traitements plus anciens et plus efficaces et l'hôpital ne débourse rien, c'est la Sécurité sociale qui règle la note.
Le patient est content, il croit bénéficier des derniers traitements à la pointe.
Vous ne vous êtes pas demander pourquoi nous voyons autant de séries télévisées sur le médical , sur la police etc, fleurir sur les écrans télévisés ?
Et bien ce sont tout le mal être de la société qui en ressort !
Soyons prudent , informez vous , 2 ou 3 avis médicaux valent mieux qu'un seul avant de prendre sa décision personnelle.
Portez-vous bien !
Le service est fermé maintenant et pour les familles,
c'est un dilemme au jour le jour !
Et également le témoignage de son mari, qui vous dt comment ,
les cancérologues sont obligés de travailler
Bonne écoute à tous !
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